Dimanche matin, au Louvre, huit bijoux d’exception ont disparu. Quatre malfaiteurs avaient accédé à une salle à l’aide d’un monte-charge. Une histoire digne d’un film, sauf qu’ici, ce n’est pas du cinéma : c’est la Galerie d’Apollon, un lieu que j’aime visiter chaque fois que je passe à Paris. Voir cette salle amputée de ses joyaux, c’est un peu comme entrer dans un atelier où les pinceaux auraient été volés. Le silence n’a plus la même épaisseur.
Ces bijoux n’étaient pas de simples parures. Ils racontaient des vies de femmes qui ont marqué leur époque : Marie-Amélie de Bourbon-Siciles, reine des Français, Eugénie de Montijo, impératrice au destin romanesque, ou encore Marie-Louise, l’épouse de Napoléon. On pourrait croire qu’il ne s’agit « que » de diadèmes et de colliers… mais dans chaque pierre, il y a un fragment d’histoire.
Ce qui attire dans un objet, ce n’est pas seulement sa valeur marchande, c’est le récit qu’il porte.
Le plus troublant, c’est cette couronne d’Eugénie, abandonnée par les voleurs. Comme si elle était trop lourde de symboles, ou trop encombrante à trimballer. Elle reste là, un peu cabossée peut-être, comme un témoin qui rappelle qu’un cambriolage, ce n’est pas qu’un fait divers : c’est une rupture de confiance entre un musée et son public.
En Suisse, nous avons cette obsession de la transmission, du soin apporté aux objets. On aime que les œuvres circulent, mais en sécurité. Alors voir disparaître ces pièces à Paris, c’est aussi un rappel que rien n’est jamais acquis.
Peut-être fallait-il que ces parures disparaissent pour que l’on se souvienne de leur existence et de ce qu’elles racontent ?
Est-ce qu’on reverra les bijoux du Louvre ? Après tout, ce n’est pas la première fois que l’histoire de l’art est secouée par un tel coup d’éclat. On se souvient du vol de la Joconde en 1911, sortie en douce du Louvre par un simple vitrier, ou encore de celui du musée Gardner de Boston en 1990 : treize chefs-d’œuvre disparus, de Vermeer à Rembrandt, jamais retrouvés. Plus près de nous, à Dresde en 2019, des voleurs s’étaient introduits dans la « Voûte verte » pour rafler diamants et bijoux baroques.
En tant que galeriste, je le vois tous les jours : ce qui attire dans un objet, ce n’est pas seulement sa valeur marchande, c’est le récit qu’il porte. Alors, quand ces bijoux ont quitté leurs vitrines, on est forcément tenté de rappeler que c’est un morceau de mémoire collective qui s’est évaporé… Vraiment ? Pas si sûr… À vrai dire, ces bijoux n’étaient plus vraiment regardés. Ils faisaient partie du décor, oubliés au fond de leurs vitrines. Peut-être fallait-il qu’ils disparaissent pour que l’on se souvienne de leur existence et de ce qu’ils racontent ?
Paradoxalement, le vol les a ramenés à la vie.



