Récemment accrédité HES, Glion Institut de Hautes Études aborde une nouvelle phase de son développement. À sa tête depuis juin 2025, Philippe Vignon entend conjuguer excellence académique, expérience étudiante sur mesure et pertinence face aux mutations du secteur. Rencontre avec un dirigeant qui place l’humain, le lien et le sens au cœur de son action.
autrice : Mélina Neuhaus
Une transition vers un leadership d’impact
Prendre la direction d’un établissement aussi iconique que Glion Institut de Hautes Études pourrait intimider. Mais pour Philippe Vignon, il s’agit d’une suite logique. Son parcours l’a mené de L’Oréal à Genève Tourisme, en passant par EasyJet et le groupe Edipresse. « J’ai évolué dans des environnements à forte intensité humaine et interculturelle, où la valeur se construit dans la relation, l’adaptation et la clarté des intentions. Glion s’inscrit parfaitement dans cette logique. » S’il évoque cette nouvelle étape comme un « retour au sens », il le fait sans emphase. « Aujourd’hui, je suis dans une étape de vie où j’ai envie de m’engager dans quelque chose de collectif, de durable et de porteur pour les générations futures. C’est une responsabilité que je prends très à cœur. »
« Aujourd’hui, l’élégance se traduit par la justesse de l’attitude et la capacité à créer une relation de qualité. »
Affiner l’identité de Glion dans un monde en mutation
À peine nommé, Philippe Vignon a pris le temps d’observer discrètement. « Je suis venu incognito visiter les campus pendant le processus de recrutement. Ce que j’y ai perçu m’a convaincu : une communauté solide, cohérente, authentique. » Mais il identifie aussi des marges d’évolution : « Nous devons gagner en clarté, en lisibilité de notre proposition de valeur. Cela passe par un travail sur notre communication, notre positionnement, mais aussi nos codes internes. » Il défend une approche contemporaine du luxe, faite de subtilité plus que de protocole. « Aujourd’hui, l’élégance se traduit par la justesse de l’attitude et la capacité à créer une relation de qualité. Nous sommes loin du simple dress code rigide. » Le directeur perçoit également un paradoxe plus large dans le secteur : « Le tourisme est en croissance constante, mais la demande de formation stagne. Il y a une vraie décorrélation et nous avons un rôle à jouer pour former les professionnels de demain. »
L’accréditation HES : une étape structurante
En juillet 2025, Glion a obtenu l’accréditation officielle en tant que Haute école spécialisée suisse (HES). Un tournant qui donne une reconnaissance académique nationale à une institution déjà réputée au niveau international. « C’est une belle étape, qui conforte notre exigence en matière de rigueur et de pédagogie. Mais je la vois comme un point de départ, non comme une fin en soi. » Cette accréditation ne bouleversera pas nécessairement les flux d’étudiants. « Elle nous permet de renforcer notre activité de recherche appliquée et d’asseoir notre légitimité. »
« Seulement 50% des diplômés en moyenne sont encore dans l’hospitalité cinq ans après leur sortie d’école. C’est un signal d’alarme. »
Entre excellence académique et employabilité
Le directeur insiste sur l’importance de l’alignement entre ce que vit l’étudiant en formation et ce que le marché attend. « Nous devons former des professionnels capables d’agir, au-delà de savoir. Cela suppose une formation à forte intensité relationnelle, une culture du feedback, une pédagogie exigeante et vivante. » Et les retours du marché sont bons. « Nos diplômés sont très vite opérationnels. Ils savent naviguer dans des environnements multiculturels, comprendre les attentes des clients et travailler en équipe. C’est là que réside leur valeur ajoutée. » Il en revient souvent à cette idée de cohérence. « Ce qui rend une école pertinente, c’est sa capacité à rester connectée à la réalité, tout en donnant à chaque étudiant et chaque collaborateur l’espace de se construire, à son rythme. » Un chiffre l’interpelle toutefois à propos de la fidélisation dans le secteur. « Aujourd’hui, seulement 50% des diplômés en moyenne sont encore dans l’hospitalité cinq ans après leur sortie d’école. C’est un signal d’alarme. »
L’enjeu de la transformation : IA, durabilité, entrepreneuriat
L’intégration des grands enjeux contemporains dans la formation n’est pas une option, mais une nécessité. Philippe Vignon parle d’intelligence artificielle avec pragmatisme. « C’est un outil puissant, à condition de savoir le manier. Ce que nous devons apprendre à nos étudiants, c’est à formuler les bonnes questions, à garder l’esprit critique et à discerner ce qui a de la valeur dans un monde d’abondance informationnelle. » Sur la durabilité, il observe une attente forte des étudiants. « Ils sont de plus en plus attentifs à ce sujet, mais veulent du concret. Cela nous oblige à incarner ce que nous enseignons. » L’entrepreneuriat, lui, doit sortir du mythe de la start-up à succès. « Créer une entreprise, ce n’est pas un rêve d’Instagram. C’est une aventure exigeante, faite de compromis, de travail et de résilience. C’est cette réalité-là que nous voulons transmettre. »
Un ancrage suisse, une projection mondiale
Le développement de Glion s’inscrit dans une logique glocal : un socle de valeurs communes fortes, mais une adaptation contextuelle. « Nous avons plus de 90 nationalités sur nos campus. Il faut pouvoir garder une cohérence tout en respectant les cultures locales. Cela s’applique aussi à nos projets d’expansion, notamment via des partenariats dans des pays comme l’Arabie Saoudite. » Enfin, il tient à rappeler le rôle économique et symbolique des institutions comme Glion pour la Suisse. « Au-delà des retombées économiques directes qui sont importantes pour les cantons de Vaud et Fribourg, il y a un capital d’image et de réseau immense. Nos 18’000 alumni sont nos meilleurs ambassadeurs. Ils portent avec eux une certaine idée de la Suisse : exigeante, stable et ouverte sur le monde. »
« Créer une entreprise, ce n’est pas un rêve d’Instagram. C’est une aventure exigeante, faite de compromis, de travail et de résilience. »
Un projet profondément humain
En conclusion, Philippe Vignon revient à l’essentiel. « Ce que j’aimerais, c’est que chaque étudiant, collaborateur et partenaire puisse dire : ici, j’ai trouvé ma place. Et j’ai appris quelque chose d’utile pour la suite. » Dans un monde qui valorise la vitesse, il revendique le droit à la profondeur. « L’éducation est l’un des rares espaces où l’on peut encore prendre le temps d’apprendre à être. C’est ce que je veux préserver ici. »