À l’aube du plus grand transfert de richesses de l’histoire, de nombreuses familles sont confrontées à une question fondamentale : comment transmettre leur patrimoine tout en préservant durablement un équilibre, l’harmonie et leurs valeurs ? Au-delà des montants, c’est la qualité de la préparation, la clarté et l’écoute qui transforment une succession en véritable levier de pérennité et de cohésion. Découvrez comment conjuguer transmission et adaptation générationnelle tout en prévenant les conflits dans cette période charnière.
Dans les années à venir, le monde assistera à un phénomène sans précédent : le plus grand transfert intergénérationnel de patrimoine de l’histoire. En Europe seulement, près de 9 000 milliards d’euros devraient changer de mains d’ici 2040, soit environ 677 milliards chaque année1. La Suisse est aussi pleinement concernée, avec près de 100 milliards de francs transmis annuellement et environ la moitié de la fortune privée constituée d’héritages2.
Seule une minorité de familles (26 %) implique la génération suivante dès le début du processus complet de planification
Le sujet du patrimoine, souvent abordé sous l’angle juridique ou fiscal, va bien au-delà : il touche à l’identité familiale, à la cohésion et à la transmission de valeurs. Le baromètre des générations 20253 montre que l’héritage constitue pour beaucoup le moment financier le plus important d’une vie ; pourtant, seulement la moitié des familles UHNW ont un plan successoral en place, avec des pourcentages variables selon les régions.
Si la majorité considère que le patrimoine doit avant tout revenir aux descendants ou au conjoint, l’absence de dialogue reste un facteur de risque.
La planification successorale n’est également souvent pas vue comme une priorité pour plusieurs raisons : beaucoup estiment avoir largement le temps de s’en occuper plus tard, n’ont pas encore décidé comment répartir leurs avoirs et leur patrimoine, ou n’ont pas eu le temps d’en discuter avec leur family office.
Enfin, seule une minorité de familles (26 %) implique la génération suivante dès le début du processus complet de planification4.
La génération des baby-boomers arrive à l’âge de transmettre, tandis que les attentes des jeunes générations évoluent et que l’âge moyen auquel on hérite tend à reculer vers 58 à 60 ans. La transmission ne se limite pas à la dimension financière : elle inclut aussi un héritage psychologique, fait de valeurs, de repères, de traditions et parfois de ruptures5.
Transmettre ou pérenniser ?
Transmettre son patrimoine, c’est en assurer le passage d’une génération à l’autre ; pérenniser, c’est inscrire cette démarche dans la durée, en tenant compte des évolutions sociétales et de l’histoire familiale. La pérennisation suppose une vision plus large, intégrant la préparation, la flexibilité et le dialogue entre tous les membres de la famille. Elle vise à préserver la capacité du patrimoine à soutenir les ambitions et projets des générations futures, même si leurs objectifs diffèrent (mobilité, carrière, engagement social ou environnemental).
Dans ce contexte, la planification s’avère indispensable : réfléchir clairement à ses volontés, en discuter ouvertement avec ses proches, recourir à des outils adaptés (donations, pacte successoral, contrat de mariage ou encore mandat pour cause d’inaptitude), et anticiper les phases de transition. Parmi les solutions possibles, une attention particulière peut être portée aux donations ou au mandat pour cause d’inaptitude.
Donations
Avant d’effectuer une donation, il est recommandé de clarifier à l’avance ses implications fiscales et successorales, notamment en fonction de la législation et de la fiscalité applicables. Les donations peuvent, par exemple, permettre d’anticiper la transmission du patrimoine entre générations, facilitant ainsi la planification successorale et la stabilité. Il est conseillé de documenter les donations par écrit et d’informer tous les héritiers afin d’éviter d’éventuels litiges. Une avance d’hoirie peut notamment servir à assurer l’équité entre les enfants ou à soutenir financièrement un membre de la famille à un moment clé (éducation, acquisition immobilière). Il est prudent de vérifier l’existence d’exonérations ou d’abattements et de considérer le risque que les donations réalisées moins de cinq ans avant le décès puissent être soumises ultérieurement à l’impôt successoral.
Mandat pour cause d’inaptitude
Il est important d’établir un mandat pour cause d’inaptitude, en particulier pour les couples et les personnes disposant d’un patrimoine complexe. Ce mandat est un document écrit et très personnalisé, dans lequel le mandant (la personne concernée) désigne un ou plusieurs mandataires, personnes physiques ou morales. Les tâches confiées au mandataire doivent être définies aussi clairement que possible : assistance personnelle, gestion des biens, représentation dans les affaires juridiques.
Prévenir les conflits lors de la transmission
La transmission du patrimoine requiert une anticipation solide pour éviter les conflits familiaux, souvent liés à des malentendus ou à la méconnaissance des intentions du défunt. Parmi les solutions les plus efficaces, la rédaction d’un testament clair et précis permet de dissiper ambiguïtés et contestations entre héritiers.
Les conflits familiaux trouvent souvent leur origine dans le manque de communication ou dans une gestion trop rigide de la succession.
En droit successoral, plusieurs types de testaments existent, chacun répondant à des besoins spécifiques :
- Le testament olographe, entièrement écrit, daté et signé par le testateur, simple à établir mais susceptible d’être contesté en cas de défauts de forme.
- Le testament public (notarié), rédigé par un notaire ou officier public en présence de témoins, offre une grande sécurité juridique grâce à ses formalités et à son enregistrement officiel.
- Il existe également, à titre exceptionnel, le testament oral, admis uniquement en cas de danger imminent et dont la validité est limitée dans le temps.
Chaque forme de testament présente des avantages distincts permettant d’adapter la planification successorale à la situation du testateur.
Par ailleurs, les donations du vivant, l’assurance-vie et la désignation d’un exécuteur testamentaire renforcent cette sérénité. Instaurer une communication ouverte, par exemple au moyen de réunions familiales ou de documents écrits expliquant les choix opérés, permet d’aligner les attentes et de prévenir jalousies ou ressentiments. La clé réside dans la planification, la transparence et la compréhension mutuelle.
Les conflits familiaux trouvent souvent leur origine dans le manque de communication ou dans une gestion trop rigide de la succession. Les expériences suisses indiquent que la transparence, la répartition claire des rôles et une préparation minutieuse créent un cadre durable et apaisé pour la succession. Le dialogue précoce permet non seulement de réduire les tensions mais aussi d’intégrer les aspirations particulières des héritiers, qui ne coïncident plus toujours avec les choix des générations précédentes.
Le plus grand transfert de richesse de l’histoire appelle à une réflexion renouvelée : transmettre un patrimoine, ce n’est plus seulement léguer des biens, mais embrasser la diversité des parcours, des valeurs et des aspirations. Pérenniser le patrimoine, c’est garantir un cadre durable, apaisé et évolutif, capable d’unir les générations tout en acceptant leurs différences. Les familles comme les institutions doivent assumer ce nouveau défi : entre histoire, responsabilité et dialogue, c’est la qualité humaine de la transmission qui en assure finalement la pérennité.
- 2025 EY Global Wealth Research Report.
↩︎ - Les héritages et les impôts : Que nous apprennent les données ?, Marius Brülhart Professeur ordinaire HEC, Université de Lausanne.
↩︎ - Baromètre des générations 2025, Maison des générations de Berne.
↩︎ - Baromètre des générations 2025, Maison des générations de Berne.
↩︎ - « Étude PwC Suisse sur la succession ».
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